version 1.0
Olivier Housseaux
-----
ebook.infographie@free.fr
ebook.infogaphie.free.fr

Historique du terrain d'aviation de Condé-Vraux

1/ Origine du terrain

1.1 Sa construction.

Prévu à l’origine comme terrain de desserrement pour la base aérienne de Reims, le site de Vraux fut choisi, ainsi que quatorze autres emplacements, dès octobre 1935, par la Direction Régionale du Génie de Metz (Chefferie du Génie de Châlons-sur-Marne) pour le compte de l’Armée de l’Air.

Ce terrain ainsi que son bâtiment (surnommé « la maison Rouge ») ont été réalisés par une entreprise spécialisée dans les travaux de terrassements de surface, sous la direction du capitaine Jhean (colonel CR à Châlons-sur-Marne) chargé de l’étude et de la réalisation des terrains demandés par l’Armée de l’Air dans la région de Châlons-sur-Marne / Vitry-le-François / Saint-Dizier.

La construction du terrain dura d’octobre 1936 à fin 1937. La « maison Rouge » abritait un laboratoire destiné à l’exploitation de photographies.

1.2 Activité opérationnelle à la déclaration de la guerre 1939.

Par arrêté préfectoral en date du 10 février 1939, le terrain est mis à la disposition de l’armée pour une période de 5 ans (1939-1943). Dès le 3 septembre, jour de la déclaration de guerre à l’Allemagne, le terrain est opérationnel.

Le 30 août 1939, la compagnie de l’Air 145/111 constituée le 27 août 1939 à Mourmelon (BA 111) arrive à Vraux pour finir d’aménager. Elle est commandée par le lieutenant Wantz.
Jusqu’au 6 Novembre 1939, elle s’occupera en outre de l’approvisionnement en nourriture, essence et sécurité des détachements anglais. Cette compagnie quitte Vraux à cette date pour Berrieux dans l’Aisne.

2 Période anglaise du terrain

2.1 Le Squadron XV du 12 septembre 1939 au 9 décembre 1939.

La guerre avec l’Allemagne nazie était prévisible. Des accords entre la France et l’Angleterre sont signés dès septembre 1936 pour l’envoi en cas de conflit d’escadrons anglais de chasse et de bombardements dans le Nord-Est de la France.

Cette force aérienne britannique en France se compose de :
- L’Advanced Air Striking Force (A.A.S.F.) pour la chasse et le bombardement,
- L’Air Componnent pour la coopération et le soutien de la British Expeditionnary Force (Terrestre).
Le 9 mai 1940, elles comprennent 26 escadrons, soit en tout 416 appareils.

L’escadron de bombardement XV vient occuper le terrain de Vraux (dénommé Condé-Vraux) le 12 septembre 1939, ses avions, des « Fairey Battle », viennent de Bétheniville. Le dernier détachement rejoindra le 17 septembre.

Le Squadron XV se composait de deux « Flights » (escadrilles) A et B, de huit avions chacun et était commandé par le Wing-Commander J.L. Wingate. Son activité se borne à des exercices de bombardement, des missions de reconnaissances photographiques sur l’Allemagne et des vols en coopération avec l’Armée de l’Air française.

Il fait mouvement le 9 décembre sur la Grande-Bretagne pour qu'il soit transformé avec des avions plus modernes du type « Bristol Blenheims MK IV ». Pour le départ du Squadron XV, des avions civils du National Air Communication atterrissent à Vraux pour transporter hommes et matériel en Angleterre.

2.2 Le Squadron 114 du 9 décembre 1939 au 16 mai 1940.

Transporté par ces mêmes avions civils, le Squadron114 venant de Wyton (G.B) remplace le Squadron XV. Comme tous les escadrons de l’A.A.S.F., il se compose de deux flights, de huit avions chacun, des « Bristol Blenheims MK IV », bombardiers bi-moteurs modernes. Le Squadron 114 est commandé par le Wing-Commander J.H. Powle.

Du 14 décembre 1939 au 10 janvier 1940, il effectue des exercices d’entrainement au bombardement à Moronvilliers et nombre de missions de reconnaissance au-dessus de l’Allemagne, où ses avions se heurtent souvent aux Messerschmitt 109 et rentrent à Vraux endommagés.

Le 27 février, le Pilot Officer H. Dodgson se tue aux commandes du BlenheimL8838 à Acheux en vol en basse altitude, c’est le premier mort, ses deux membres d'équipage étant saufs. D’autres morts suivront : celles du Pilot Officer Farrow et du A.C. Sanders lors d’un vol de nuit le 2 mars et enfin celle du Sergent Williams le 6 mars lors d’un accident.

Le 10 mai, c’est le jour de l’invasion de la Hollande, du Luxembourg et de la Belgique et du déclenchement de la Blitzkrieg. Le Squadron 114 alors en mission à Perpignan, est rappelé de toute urgence à Vraux pour se préparer à la bataille.

2.3 11 mai 1940 : Attaque du terrain

Le 11 mai à 6h30 du matin, les mécaniciens font chauffer les moteurs des seize Blenheim prêts pour un raid de bombardement sur les armées ennemies.
Brutalement neuf Dornier DO 17 Z surgissent en vol basse altitude ; ils font partie du 4/KG2 de la Luftwaffe et sont commandés par le lieutenant Reimers. Ils larguent leurs bombes sur le terrain, les avions et les installations. Rapidement, les seize Blenheim sont détruits ou très endommagés, ainsi que la soute à carburant, la DCA étant inexistante.

Juste après, le lieutenant Borsheim à bord du DO 17 Z « Gustave-Marie » refait même un tour au-dessus du terrain « pour les journalistes » : l’observateur du bord, Werner Borner , filmant l’attaque du terrain avec une caméra 8 mm et prenant des photos. Ce film sera présenté à Hitler par le général Loerzer, commandant la Luftwaffe II, comme témoignage de l’efficacité des bombardements à basse altitude.

Au retour du raid, l’avion du commandant fut touché par la DCA et le lieutenant Reimers, grièvement blessé, fut remplacé au pilotage du Dornier par l’observateur B. Kruger, qui ramènera l’avion à bon port, bien qu’il ne soit pas pilote.

Après l’attaque, le Squadron 114 panse ses plaies et nettoie le terrain parsemé de nombreuses bombes de 50 Kg non explosées car larguées à trop basse altitude.

Le soir même, deux avions arrivent pour le recompléter, tandis que les équipages sans appareil rejoignent le Squadron 139 à Epernay-Plivot d’où ils vont assurer des missions de combat. Elles vont consister en missions de reconnaissance et bombardement dans le secteur Sedan / Givronne / Bouillon / Monthermé / Montcornet / Sainte-Menehould / Rethel / Vouziers, pour observer l’avance des armées allemandes. Plusieurs appareils seront abattus et leur équipage porté disparu.

A partir du 16 mai, les évènements se précipitent, le Squadron reçoit l’ordre de se préparer à quitter le terrain.
Le 17, les chasseurs Hurricane du Squadron 1 qui se replient de Berry-au-Bac atterrissent à Vraux. Ils y passent la nuit et redécollent le lendemain en direction d’Anglure.
Le 18 mai, à la suite d’un combat aérien avec des Me 109, le Curtiss H 75 du capitaine Ghieu appartenant à l’escadrille des « Diables Rouges » du GC 2/4 se pose endommagé à Vraux. Il est accueilli par les anglais du Squadron 114. L’avion réparé le lendemain, rejoint son unité à Orconte.

Le 19 mai, le Squadron 114 replie tous ses appareils en état devol sur Crécy puis Nantes, d’où ils rejoignent l’Angleterre le 27 mai pour continuer le combat.
Les 19 et 20 mai, le terrain et le village de Vraux sont de nouveau bombardés par les Stuka de la Luftwaffe.

3 Utilisation du terrain de juin 1940 à 1945

3.1 La Luftwaffe

Le terrain de Vraux est maintenant au calme. La Luftwaffe l’utilise épisodiquement. Des Ju 87 « Stuka », Ju 52, Fiesler Storch et Me 109 s’y poseront pendant la bataille de France. Les Allemands se serviront de Vraux comme terrain de secours puis de champ de tir.

En juin 1944, ils remettent en état la piste d’atterrissage et l’infrastructure. Ils y installent une rampe électrique d’atterrissage de nuit. Des Me 109 G, camouflés dans des alvéoles pratiquées dans les bois environnants, utilisent cette piste. Ils y restent jusqu’en juillet 1944, date de leur repli devant l’avance alliée, notamment celle de la troisième armée US du général Patton qui libère Vraux le 29 août 1944.

3.2 L’armée du Général Patton

Remis en état et baptisé du nom de Y-45, le terrain reprend du service au profit de l’USAAF. Jusqu’en mai 1945, il sera utilisé par des avions du XIX Tactical Air Command, rattaché à la 9ème Air Force, qui fournit l’appui aérien, le ravitaillement et l’aide au commandement de la troisième armée U.S de Patton. On verra des Dakota, un Cessna « Bobcat », un P 47 « Thunderbolt », trois Piper L 4, etc…

3.3 De 1945 à nos jours

La victoire alliée marque la fin de la guerre et, par-là même, la fin du terrain d’aviation de Vraux, dont la raison d’être ne se justifie plus. Il est rendu à ses origines premières : la culture.
Les anciens propriétaires des parcelles du terrain pourront les récupérer auprès du service des domaines par acte de rétrocession de parcelles de terre provenant de l’ancien terrain militaire de Condé-Vraux.

En novembre 1955, tout est consommé. Depuis lors, témoin du passé aéronautique de Vraux, la « maison Rouge » monte la garde, seule, en plein champ. Il arrive que, de temps en temps, un automobiliste anglais s’arrête devant et reste un long moment, avant de repartir avec ses souvenirs.

Ces souvenirs, qui restent présents au village :
en témoignent les inscriptions laissées par les Anglais et morceaux de duralumin que les cultivateurs du terrain retrouvent lors du labourage des champs, lorsqu’ils vont travailler « au camp ».